Thierry Mendez a
perdu 92 ruches, contaminées dans les P-O. D’autres sont dans son cas.
Des millions
d'abeilles sont décimées par intoxication. Les apiculteurs de la région
Languedoc-Roussillon sont touchés. Parmi eux, l’Héraultais Thierry Mendez.
Dégâts importants dans les P.-O.
Il voulait que
ses ouvrières butinent les rhododendrons, ces azalées que l’on rencontre en
région montagneuse. Qu’elles aillent se poser sur les fleurs de châtaignier,
qu’elles titillent le tilleul. Pour pouvoir obtenir la plus large variété de
miels. Depuis dix ans, Thierry Mendez, apiculteur installé à
Villeneuve-lès-Maguelone dans l’Hérault, mène ses abeilles au plus haut des
monts des Pyrénées-Orientales.
"Ce sont
des territoires sains, déserts"
À Font Romeu. Au
grand air. L’été dernier, à leur retour au bercail, les reines ne voulaient plus
reprendre la ponte. Et de façon fulgurante, le cheptel de 92 ruches, partie en
transhumance, s’est éteint. Totalement décimé. Laissant l’agriculteur dans
l’incompréhension et le désarroi. "Les zones où j’avais installé les
ruches sont éloignées de toutes exploitations. Ce sont des territoires sains,
déserts".
"Aucune
pathologie, pas plus que de la mortalité naturelle"
Thierry Mendez
fait alors appel à deux experts. Yvan Bouisson, en charge de recherche
phytosanitaire à l’Institut national de la recherche agronomique et
Marc-Édouard Colin, vétérinaire conseil du groupement de défense sanitaire
apicole (GDSA) de l’Hérault. "On a vite écarté la piste de l’acarien
parasite qu’est le Varroa. Ainsi que la possible responsabilité de l’apiculteur
quant à une quelconque négligence", témoigne le spécialiste des maladies
des abeilles. D’après les premières analyses du miel, de la cire, et
l’observation des rares abeilles survivantes, tout laisse entendre qu’il s’agit
d’intoxication. "On a, de plus, recoupé ce qui arrivait avec ce qui a été
constaté dans les cheptels des Pyrénées-Orientales et de l’Ariège, fortement
touchés", poursuit Yvan Bouisson.
"Il n’y a
aucune pathologie qui ressorte"
En Catalogne, en
effet, plus de 1 300 ruches ont été ainsi détruites. "On compte 18
apiculteurs sinistrés", observe Jean Adestro, président du groupement de
défense sanitaire apicole des Pyrénées-Orientales, qui répertorie chaque jour
les dégâts engendrés. "Il n’y a aucune pathologie qui ressorte. Il ne
s’agit pas de mortalité naturelle. Ce n’est pas non plus lié à un manquement
des apiculteurs."
Se balader dans
l’atmosphère, c’est que c’est toxique
Lui-même,
professionnel de l’abeille, a perdu des ruches. Il a sa petite idée sur les
origines de l’intoxication mais ne veut pas se prononcer avant la délivrance
des résultats des expertises et contre-expertises. Ce que partage Yvan Bouisson
de l’Inra : "Il faut rester extrêmement prudent. Ne pas faire de mauvais
procès d’intention". Et de rappeler que les abeilles sont le plus performant
baromètre des pollutions. Même des plus infimes. "Quand elles ne peuvent
plus butiner les fleurs, se balader dans l’atmosphère, c’est que c’est
toxique". Pour Jean Adestro, c’est d’autant plus dramatique que les
apiculteurs sont déjà très exposés, fragilisés. Il déplore aussi que
l’intoxication provienne "de la montagne. L’endroit, par excellence où
l’on dit que l’on se requinque, fait ses réserves de bon air".
Le GDSA et
l’union syndicale apicole du Roussillon ont voté, en janvier dernier, une motion
visant à la reconnaissance des récentes mortalités, afin que des moyens humains
et financiers soient dégagés pour soutenir les apiculteurs sinistrés. Certains
ont perdu la totalité de leur cheptel. L’Héraultais Thierry Mendez, lui, a fait
estimer les dommages subis, entre la perte de ses ruches, de sa récolte,
l’achat d’essaims pour remonter une activité. La facture s’élève à 67.988 €.
Le samedi 12
avril, au théâtre municipal de Perpignan, à 9 heures, conférence-débat sur la mortalité massive des abeilles, avec Marc-Édouard Colin et Luc
Belzunges, toxicologue environnemental à l’Inra.
PATRICIA
GUIPPONI
(Source : Le Midi Libre)
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