La justice et le
fonctionnement de l’institution judiciaire imposent avec la même exigence le
respect des grands principes comme celui qui veut que « la loi est la même
pour tous ». Un magistrat qui utilise ses fonctions pour protéger des
délinquants ou commettre lui-même des délits porte une très grave atteinte tant
au principe de justice qu’à l’institution judiciaire toute entière.
Tous les opposants au projet
illégal du barrage de Sivens ont en mémoire le comportement et les déclarations
de Claude Dérens, procureur-du-Tarn, au lendemain de la mort de Rémi Fraisse.
Nous avons tous pensé qu’il s’agissait pour lui et pour le gouvernement de
gagner du temps et d’entretenir le doute au travers de l’histoire du sac à dos
de Rémi. « Rien ne permet d’affirmer qu’une grenade lancée depuis la
zone où les gendarmes étaient retranchés a pu être à l’origine de cette
explosion » déclarait-il lors de sa conférence du 27 octobre 2014. On
connaît la suite.
Nous avons aussi souvenir de
ce qu’a fait le procureur Dérens lorsque plus de 10 hectares de forêt ont été
rasés sans autorisation à Sivens en septembre 2014. Rien et pire que
rien : Peut-on imaginer en France une entreprise coupant ainsi pendant 10
jours sans autorisation des arbres soumis au régime forestier ? Cela
paraît impossible. Eh bien dans le Tarn, du 1er au 12 septembre 2014, alors que
le préfet Gentilhomme venait tout juste d’être nommé, ce fut possible !
N’importe quel particulier se serait vu sommé d’arrêter la coupe par des agents
assermentés et un procureur respectueux de sa fonction. Eh bien, dans le Tarn,
ce que certains appellent la « mafia tarnaise » a envoyé les forces
de l’ordre pour permettre la commission de l’infraction caractérisée. Je le dis
d’autant plus sereinement que l’autorisation de déboisement donnée a posteriori
par le préfet a ensuite été annulée par le tribunal administratif par jugement
définitif du 30 juin 2016.
En revanche, des opposants au
barrage illégal ont été poursuivis… pour s’être opposés pacifiquement à la
coupe illégale. Nous avons aussi souvenir de ce qu’a fait le procureur Dérens
lorsque la FNSEA a déversé des tonnes de fumier à Albi : rien.
Nous avons aussi souvenir de
ce qu’a fait le procureur Dérens lorsque la FNSEA et des partisans du barrage
illégal ont bloqué des routes dans le secteur de Sivens en février /mars
2015, en s’attaquant à des personnes et à des véhicules : rien, il a
laissé faire. Mais, le pire comme on va le voir, c’est ce qu’a fait Dérens dans
l’affaire de la Métairie Neuve de Sivens, bâtiments protégés par le PLU de
Lisle sur Tarn illégalement rasés le lundi 1er juin 2015 après un incendie
criminel opportunément survenu le 28 mai précédent. Rasés pour la simple raison
qu’ils pouvaient rester un symbole visible de la lutte justifiée contre un
barrage illégal.
Plusieurs procédures ont été
engagées à compter du 5 juin 2015 par des citoyens tarnais. Si, vu les
flagrants délits commis, nous avons assez vite compris que Dérens était dans le
coup, je ne pensais pas que nous pourrions en obtenir les preuves les plus
formelles dans les batailles judiciaires engagées sur plusieurs fronts. C’est
pourtant ce qui s’est passé. Ainsi, dans la procédure engagée par le citoyen
Donnadieu devant le Conseil d’Etat pour obtenir « l’autorisation de
plaider » au nom du département, nous avons eu la surprise de voir le
président/sénateur Carcenac verser aux débats des documents accablants à
l’encontre de Dérens afin de se défendre.
Deux des plaignant(e)s du
début juin 2015 ont pu ensuite obtenir, non sans difficultés et dans des
conditions très particulières, des documents encore plus accablants confirmant
ce que nous avions appris devant le Conseil d’Etat : Dérens est impliqué
jusqu’au cou dans la destruction illégale de la Métairie Neuve de Sivens, ce
qui explique son classement sans suite ahurissant de l’affaire et les
difficultés que nous avons pu avoir depuis deux années, parmi lesquelles ce qui
s’est passé devant le Conseil d’Etat.
Il se trouve que le citoyen
Donnadieu est décédé peu de temps après la décision de rejet de sa demande
d’autorisation de plaider par le Conseil d’Etat, de sorte qu’il a été
impossible de saisir la Cour de Strasbourg, alors que le Conseil d’Etat a rendu
une décision que je considère comme une décision politique, dans des conditions
difficilement acceptables.
Le Conseil d’Etat s’est bien
gardé de rejeter la demande d’autorisation de plaider au motif que l’action
pénale envisagée aurait eu peu de chances de succès, comme il le fait souvent
pour ce type d’action. Les délits étaient en effet caractérisés devant lui.
A mon sens, son rejet vient
du fait que le dossier mettait clairement en cause le président/sénateur
Carcenac, le préfet Gentilhomme, et le procureur Dérens. C’est dans ce contexte
qu’on a vu arriver sur l’audience, du fait du rapporteur public (ancien
conseiller de François Fillon), un argument qui n’était pas dans les débats et
que même Carcenac n’avait pas osé défendre, à savoir que la Métairie Neuve
venant d’être incendiée, elle n’avait plus suffisamment de valeur pour qu’un
contribuable départemental soit autorisé à poursuivre devant un juge
d’instruction une telle destruction illégale des biens et surtout de tels
délits commis par les plus hautes autorités du département.
Si on suit ce jugement rendu
en premier et dernier ressort par le Conseil d’Etat (c’est le cas très
particulier de la procédure d’autorisation de plaider), des délits caractérisés
commis par un président de conseil départemental et portant atteinte au
patrimoine départemental ne pourront pas être poursuivis par un contribuable
dès lors qu’un procureur y a participé. Puisque dans ce cas, il ne les
poursuivra pas... comme l’a fait Dérens dans le Tarn.
Je note qu’à ce jour, aucune des
décisions rendues, dont certaines ne sont pas définitives, ne conteste
l’existence des délits visés aux plaintes déposées depuis juin 2015. Ils sont
flagrants. C’est la possibilité d’agir des contribuables tarnais contre les
plus hautes autorités tarnaises qui est en cause. C’est l’égalité de tous
devant la loi qui est en cause.
Des sous-citoyens dans le Tarn
Dans l’affaire de Sivens, il y
a visiblement pour Dérens, ci-devant procureur-du-Tarn, deux catégories de
personnes :
Les sous-citoyens
qui ont eu l’outrecuidance de s’opposer au projet illégal de Sivens, qui ont
été poursuivis à tire-larigot, parfois pour des délits imaginaires
Les partisans du
barrage illégal qui sont, eux, au dessus des lois et dont aucun à ce jour n’a
été poursuivi, fut ce pour des délits caractérisés
Un exemple frappant en est
donné aujourd’hui par la poursuite du citoyen Egidio devant le tribunal
correctionnel d’Albi, audience à venir du 30 mai 2017 : Il est poursuivi
par Dérens pour s’être rendu à une audience le 18 décembre 2014 avec l’opinel
qu’il a presque toujours avec lui pour aller saucissonner dans la campagne ou
travailler dans son jardin. Tous ceux qui connaissent le citoyen Egidio auront
du mal à avaler qu’il a attendu de prendre sa retraite de l’éducation nationale
et d’avoir quelques problèmes cardiaques pour aller faire le coup de poing avec
son opinel à une audience correctionnelle.
En revanche, les plaintes
portées suite aux coups de couteau qui ont été donnés par un partisan du
barrage illégal à trois manifestantes pacifiques le 23 octobre 2016, coups qui
ont été filmés, qui ont fait l’objet de certificats médicaux, de témoignages,
dont celui d’Hélène Duffau sur son blog Mediapart… ces plaintes ont été
classées sans suite par Dérens comme à ce jour toutes les autres plaintes des
opposants au barrage illégal !
Mes amis et moi n’acceptons
pas cette situation !
Sur ce blog, j’ai mis
vertement en cause le préfet Gentilhomme et le président/sénateur Carcenac,
professionnel cumulard de la politique depuis 3 décennies. J’ai attendu
vainement une citation en diffamation et je comprends bien que ces individus
aient préféré profiter du silence des médias sur une affaire aussi grave.
Nonobstant les autres délits commis, je rappelle que la peine encourue pour le
délit d’abus d’autorité contre l’administration est de 10 années
d’emprisonnement.
A Sivens, le procureur Dérens
s’est comporté non seulement comme un valet du pouvoir politique mais il est
compromis lui-même jusqu’au cou dans les délits commis que je dénonce publiquement
ici.
Je le mets au défi de me citer
devant un tribunal pour cette accusation. Dans ce cas, non seulement je
publierai les preuves de ce que j’avance mais j’aurai l’occasion de dénoncer
ceux qui ont couvert de tels agissements. Dérens devra nous expliquer par
exemple pourquoi il a, le 1er février 2016, fait détruire les scellés dans
l’affaire de l’incendie de la Métairie Neuve alors que le citoyen Egidio venait
de saisir le doyen des juges d’instruction d’Albi, 3 jours auparavant, pour le
fait de sa destruction totale. Il devra nous expliquer pourquoi, dans les 24
heures qui ont suivi l’incendie criminel, il a donné son feu vert pour que
soient totalement rasés ces bâtiments qui étaient pourtant protégés par le PLU.
Compte tenu de ce qui se passe
dans cette affaire, je publie sous ma responsabilité de larges extraits de la
plainte que deux citoyennes tarnaises viennent de porter contre Dérens devant
le procureur général de la Cour d’appel de Toulouse. Je remercie
chaleureusement ces deux citoyennes qui, dans le vent de renoncement qui
souffle sur l’affaire de Sivens depuis de longs mois, ont décidé comme moi de
ne pas baisser les bras.
J’invite les lecteurs de ce
petit blog de combat à diffuser ce billet, partout où ils pourront le faire,
pour qu’il existe une trace d’une telle forfaiture, Et pour mettre concrètement
en marche la moralisation de la vie publique.
Article de Bernard Viguié publié le 24 mai.